Sermon sur le mauvais riche

17ème siècle

Mais les mondains, toujours dissipés, ne connaissent pas l'efficace de cette action paisible et intérieure qui occupe l' âme en elle-même ; ils ne croient pas s'exercer s'ils ne s'agitent, ni se mouvoir s' ils ne font du bruit : de sorte qu' ils mettent la vie dans cette action empressée et tumultueuse ; ils s' abîment dans un commerce éternel d'intrigues et de visites, qui ne leur laisse pas un moment à eux, et ce mouvement perpétuel, qui les engage en mille contraintes, ne laisse pas de les satisfaire, par l' image d' une liberté errante. Comme un arbre, dit saint Augustin, que le vent semble caresser en se jouant avec ses feuilles et avec ses branches : bien que ce vent ne le flatte qu'en l'agitant, et le jette tantôt d'un côté et tantôt d'un autre, avec une grande inconstance, vous diriez toutefois que l'arbre s'égaye par la liberté de son mouvement ; ainsi, dit ce grand évêque, encore que les hommes du monde n'aient pas de liberté véritable, étant presque toujours contraints de céder au vent qui les pousse, toutefois ils s'imaginent jouir d' un certain air de liberté et de paix, en promenant deçà et delà leurs désirs vagues et incertains.

Bossuet