A Louise Colet

19ème siècle

Il faudrait tout connaître pour écrire. Tous tant que nous sommes, écrivassiers, nous avons une ignorance monstrueuse, et pourtant comme tout cela fournirait des idées, des comparaisons ! La moelle nous manque généralement ! Les livres d'où ont découlé les littératures entières, comme Homère, Rabelais, sont des encyclopédies de leur époque. Ils savaient tout, ces bonnes gens-là ; et nous, nous ne savons rien. Il y a dans la poétique de Ronsard un curieux précepte : il recommande au poète de s'instruire dans les arts et métiers, forgerons, orfèvres, serruriers, etc., pour y puiser des métaphores. C'est là ce qui vous fait, en effet, une langue riche et variée. Il faut que les phrases s'agitent dans un livre comme les feuilles dans une forêt, toutes dissemblables en leur ressemblance.

(1854)

Gustave Flaubert