De l'écriture de faits divers 4

article

Du titre du fait divers

"A bon fait divers, bon titre", dit le proverbe chinois bien connu des journalistes régionaux qui ne se trompe pas : le titre est le facteur sine qua non de la réussite d'un article. Il doit informer en même temps que donner l'envie de lire, il doit être plaisant pour l'oreille sans pour autant manquer de précision. Bref, la recherche du meilleur titre est aussi celle d'un équilibre.

Commençons à rebours par le mauvais titre. Un mauvais titre se signale par une platitude extrême : simple rappel des faits, il n'apporte ni ne suggère rien,. C'est le ground zéro du titre, le titre du journaliste débutant ou crevé. En voici quelques-uns, à éviter scrupuleusement (tous les exemples sont extraits des DNA de ce jour)  : Collision frontale mortelle Agression à l'hôpital Emile-Muller Menacée avec un couteau etc.

Guère mieux, le titre sous forme de sentence judiciaire (ex : "10 ans pour le sexagénaire") peut néanmoins être grandement amélioré grâce à la technique du double-point, sur le schéma [Rappel des faits/identité du prévenu] : [élément judiciaire/jugement rendu]. On appelle cela le "titre en deux parties" ou "titre binaire". Ex : Annuaire Pro : deux mille plaignants Abus de vodka : quatre mois ferme Vincent Barbaras : relaxe confirmée Marc Dumoulin : pourvoi rejeté etc.

La citation est une forme assez prisée de titre, elle reprend une déclaration d'un des protagonistes de l'histoire traitée et requiert une certaine virtuosité de la part du scripteur. La qualité de ce dernier se juge alors sur le ratio qualité/absurdité de la citation choisie. Ex : « Une tête digitale » « Des choses qui arrivent »

Enfin le vrai bon titre, hélas de plus en plus rare avec la mise à la retraite de journalistes d'expérience, le titre qui traduit une véritable maîtrise technique est celui qui souligne un aspect cocasse de la nouvelle et met l'accent sur le burlesque de la situation. Ce genre de titre invite le lecteur à une prise de distance avec l'information apportée, à une distanciation philosophique (V-Effekt) , sur un mode humoristique. Deux approches ici : le simple énoncé des faits pince-sans-rire (v. ex. 1 et 2) se suffisant à lui-même ; la formule drôlatique qui tourne en dérision l'événement (v. ex. 3)  : 1. Les voleurs perdent le distributeur de billet... 2. Braquage à la supérette 3. Les 4x4 n'iront plus au bois...

© Ali Kiliç